Prologue

 "Seule le vent" Pol :
extrait du 28 décembre où Anna découvre l'atelier de la maison de Per.

Il pleut. Trois semaines de pluie quasi continue. De brèves éclaircies, rayons de soleil qui traversent la maison. Je ne suis que peu sortie. Je me lève toujours aussi tard à me blottir dans la lumière ou dans le gris cependant plus lumineux de ce début de printemps. Je nage éloignée du présent comme en lévitation au dessus de ma vie. La douleur s'atténue ; le cerveau toujours engourdi, je laisse les heures glisser.  Il n'y a plus de projets. Les enfants quelque part continuent leur vie.
Jadis, j'aurai sauté dans les flaques d'eau,ou juste effleuré pour provoquer une ondulation à la surface et suivre la distorsion des reflets. Jadis, j'aurai levé le nez et gobé les gouttes d'eau qui s'écoulent de la capuche du ciré.
Le soleil se reflète dans...des vitres .. il y a des baies à l'arrière  en rez de jardin ? Je me précipite vers la maison en glissant dans l'escalier...il devrait y avoir une porte qui mène à un étage... juste devant moi dans le couloir, la porte de l'étrange salle de bain japonaise et à côté,  une autre ouverture discrète, un étroit escalier de meunier, une autre porte ouvre sur une immense pièce sous charpente. Un atelier. Des étagères de tissus, une table de couture, une machine sous sa housse. Deux chevalets. Une bibliothèque. Un établi de menuisier et son outillage, des planches appuyés le long du mur.
Un métier à tisser ?
La maison s'ébroue, elle soupire en craquements de bois.
J'effleure les velours noirs et les lourds lainages.
Si je n'avais déjà perdu les mots, je serai muette.
Une envie au creux du ventre de  soupeser une pièce de tissu, de tailler dans l'impatience des gestes venus d'un autre temps, le son de la machine, le cliquetis du balancier à pédale.
Je crois que je me suis assise étourdie. Quelques traits dans la poussière. Un point d'interrogation.



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